jeudi 19 août 2010

Mardi 17 Août 2010


Dernière journée avant de partir pour Gaziantep et prendre mon bus pour Igdir, demain après midi. Aujourd’hui il me reste de 2 des 12 caisses de matériel à voir. Pour l’heure il est 5h45, le jour se lève à peine... Il fait encore chaud, trop chaud... Mais c’est surtout à l’intérieur, car il a venté toute la nuit, et la température extérieure est un peu plus fraîche... La maison de fouille où je suis est une grande maison. Carrée organisée autour d’un vaste patio avec des pergolas tout autour de la cour centrale. Dans cette cour, on trouve entre autre figuier et grenadier... Et quelques autres arbres ornementaux. Toutes les pièces, 15 en tout, donnent sur la cour, aucune ne communique entre elle, un peu à la manière des villa romaines. Chaque pièce est en fait une pièce privative, puisqu’il s’agit de chambre, avec salle de bain. Il n’y a pas de pièce de type salle à manger ou salon, tout se passe sous la pergola. Il fait tellement chaud, que ferions nous à l’intérieur ? Les espaces de travail sont également sous cette pergola, chose bien agréable.

Je n’ai pas parlé de la nourriture depuis les deux derniers jours !!!! Sacrilège pour un français en voyage... Bon ici je suis le seul étranger, d’ailleurs côté communication c’est un peu limite, car tous étant turcs, seuls deux d’entre eux parlent un peu anglais... Et mon turc, ben je le bretonne mais c’est pas la méga fluidité. Donc pour en revenir à la bouffe, on mange local, et local dans la région de Kilis c'est épicé !! Enfin pas trop mais un peu tout de même. La base de tout, par ici, est le Bulgur (boulghour), blé concassé, plus gros que la semoule à coucous. Il est préparé généralement avec une pâte de tomate, en sauce, quelques oignons et du piment bien sûr. Sinon on mange les éternelles tomates et les éternels concombres... Ils tapent vite sur le coeur, ceux là, on en mange généralement à chaque repas... Comme autre plat chaud que le Bulgur, on mange du pilav, riz dont le nom est prononcé à la créole, pourquoi ben j’en sais rien, en tout cas la recette n’a rien de créole, le riz est cuit avec des pâtes de type arroso la plupart du temps, nature et à peine salé. Il font aussi des sauces à base d’aubergine et de tomates. Tiens hier soir il y a eu un dessert à la fin du repas. Semoule de blé façon laitage (pudding pour les Qbcois) parfumé à la cannelle et largement arrosé de sucre. La moitié des membre de l’équipe a passé la fin du repas à commenter son assiette de dessert... “Anne faisait comme ça et pas comme ci, etc”... Bref vous comprendrez que c’est meilleur chez Maman, et oui Anne en turc, c’est maman... Ça n’empêche qui j,ai trouvé ce plat pas si mauvais, pas très raffiné mais pas si mal tout de même, bon en même temps, dès lors que vous me mettez du sucre sous le nez, tout va bien, alors... Bon c’est vrai que ce n’est pas un bon Künefe d’Antioche !!!

À part ça j’ai été rattrapé par mon jetlag... Endormi comme une masse vers 21h30, hier soir, malgré deux siestes dans la journée d’hier, succombant et à la fatigue et à la chaleur, ben j’ai pas dormi de la nuit ou presque pas, enfin si sans doute un peu car je n’ai pas entendu les muezzin ce matin... Pourtant c’est le ramazan, alors ils doivent pas être bien bien discrets !

Bon je file échantillonner mes dernières caisses de poterie, qui soit dit en passant, est monstrueusement laide, je vous montrerez ça en image bientôt... Mais bon technologiquement il y a des choses intéressantes à en dire... D’ailleurs peut-être vais-je devoir vous faire un petit speech purement archéo bientôt...
8h20 du matin, en plein soleil il fait 46,2°... Il peut bien ne faire que 33° dans nos piaules la nuit !

Questions d’archéologie ! Que suis-je venu chercher dans ses contrées ? J’ai beau être un peu mystique, je ne le suis pas assez pour venir sillonner la Turquie à la manière de Saint Siméon le Stylite ou encore de Mevlana...

Petite restrospective. En mai dernier je suis venu à Istanbul, grâce au CELAT de l'U.Laval, pour le KST, je vous épargne le nom turc intégral, mais il s’agit du symposium d’archéologie nationale (turque). Le but de ce voyage était de venir à la recherche de collections pour pouvoir compléter mon échantillonnage d’Ovçular. Donc j’ai profité de la semaine où tout les archéo turcs étaient à Istanbul pour faire mon PR, enfin avec l’aide de Catherine M., pour me dégoter des tessons, et des points de chute à travers la Turquie. Il me fallait surtout voir Mme Aynur Özfirat de l’université de Hatay, et qui travaillait dans la région de Van, grand sud-est anatolien, pour avoir son approbation... Catherine lui a donc demandé si éventuellement peut-être je pourrais passer cette année à Van dans les réserves du Musée, puis sur son site à Dogubeyazit au pieds du Mont Ararat... Présentation d’usage etc... Oui oui oui pas de souci... Entre temps on a rencontré M. Atilla Engin de l’université de Sivas qui fouille à Oylum Höyük et lui aussi fut d’accord avec le principe de me faire échantillonner, il me proposait de venir cet année, mais je préférais l’année prochaine, car il m’aurait fallu en tout et pour tout deux bonnes semaines en plus de mon terrain au Naxçivan, pour faire ce tour de l’Anatolie Orientale, et enfants oblige, je peux pas me permettre un tel périple...

Donc finalement le printemps passe et pour faire court, Aynur a refusé de me donner accès au matériel prétextant des besoins d’autorisations, une non localisation du matériel, son absence du musée, etc... Bref finalement Atilla s’est avéré être la solution de cette année, avec le site d’Oylum Höyük et ses céramiques de l’âge du cuivre (Chalcolithique).

Ma problématique générale consiste à documenter les pratiques artisanales des potiers de la fin du 5è millénaire au début du 3è millénaire avant Djéseus. L’idée derrière ce vaste concept est d’essayer de voir si il y a des aires de diffusions ou de répartitions de certaines techniques de façonnage plutôt que d’autres... Si il y a des transferts technologiques entre les régions, etc... Mon référentiel de base est Ovçular dans le Petit Caucase, car issu d’une région totalement inédite, dont on ne connaît absolument rien ou pas grand chose, on a tout à découvrir. Seuls quelques russes et azéris avaient sévi dans le Petit Caucase et nous sommes, ou presque, les seuls occidentaux dans ce coin. En tout cas, seuls occidentaux à travailler sur le Chalcolithique final.

Avec Ovçular j’ai donc accès à un corpus d’objets que l’on date au fur et à mesure de la progression de la fouille, mais actuellement on se situe entre 4300 av. J.-C. et 2600 av.J.-C. Soit entre le début du Chalcolithique récent et la fin du Bronze Ancien I. Ça semble un peu barbare, tout cela, mais pour faire simple : le Chalcolithique est la fin de la période que l’on qualifie de Néolithique, c’est-à-dire stade de l’évolution socio-économique où l’Homme passe de la chasse-cueillette à l’économie de production, permettant une gestion des stocks, gestion des ressources, et probablement entraînant aussi certains phénomènes de redistribution des biens de consommation, etc... À cet aspect économique il faut ajouter la sédentarisation des groupes, l’augmentation des pratiques d’élevage et donc de domestication, une complexification sociale, avec un passage progressif du stade des tribus aux chefferies complexes...

Ovçular pour sa part est un site un peu particulier. Il se situe dans les piedmonts du Petit Caucase, et en fait, il s’agit d’un site d’occupation saisonnière, avec une stratigraphie très ténue, et de ce fait difficile à fouiller. Le site fait 7 ha environ et est posé sur le sommet d’une colline calcaire (photo du feuillet de mai). Donc ce site ne rentre pas vraiment, du moins architecturalement, dans la catégorie des sites protohistoriques classiques démontrant une complexité sociale très claire. L’architecture sur le site est plutôt de type hutte, ou cabane, réutilisées d’années plutôt qu’un grand bâti monumental. Et dans ce contexte architectural, la céramique occupe une place intéressante, car elle est peu abondante, assez diversifiée par ses types d’objets, i.e. bols, jarres de petits, moyens et grands gabarits, des bols, quelques jattes... Mais le tout fait dans des formes simples et peu complexes, avec des pâtes céramiques grossières appelées Chaff Faced Ware, car dégraissent de fragments de paille.

Les parallèles initialement connus et établis avec cette région étaient surtout dirigés vers le nord du Caucase, et un peu avec l’Azerbaidjan iranien. À présent avec Catherine on remarque finalement que la région dans laquelle nous sommes, démontre des liens assez étroits avec le nord de la Mésopotamie (Iraq et Syrie) et tout le sud-est anatolien jusqu’à la méditerranée. Nous retrouvons, et c’est ce que je cherche à documenter ici aujourd’hui à Oylum Höyük, des parallèles stylistiques et technologiques entre le petit Caucase et la vallée de l’Amuq turque. parallèle que je confirme mais malgré tout l'impression générale que donne les assemblages de Oylum Höyük , est que nous sommes dans cette région face à un phénomène de production de masse, en lien direct avec l'économie de production que l'on connait bien en Mésopotamie. Le Petit Caucase pour sa part, et Ovçular en particulier, ne rentre pas totalement dans ce système, les raisons qui justifient ce point de vue : le matériel de Ovçular est beaucoup moins abondant, les céramiques sont plus soignées, les pâtes céramiques plus raffinées et malgré des types de formes plus standard, les techniques sont plus complexes et donc plus diversifiées.

voilà pour les notes et commentaires archéo, je reviendrai sur la chose plus tard pendant mon périple.

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